Retour sur le sommet des oasis

Cet article complète celui sur les écovillage. Il fait suite au Sommet des Oasis que je viens de suivre, pendant lequel a été donné des clefs de réussite des éco-lieux.

Près d’une vingtaine d’intervenants, experts, fondateurs ont témoigné pendant 10 jours.

Ce sommet comportait une mine d’informations et de témoignages et confirme que le modèle des écovillages est viable.

Certes, comme ils l’avouent eux-mêmes, vivre dans un écolieu, en communauté n’est pas fait pour tout le monde. Aussi, certains lieux, comme les villages “Ecopol” proposent de venir essayer ce mode de vie, 3 jours, 1 mois, six mois. Différentes formules sont possibles.

Enfin, les précurseurs que l’on regardait de haut avec ironie il y a 40 ans semblent prendre leur revanche. Et non sans une certaine fierté, ils ont l’impression d’avoir pris un chemin qui est validé par l’ampleur du mouvement. Les réseaux sociaux et certains médias les relaient fréquemment. De curiosité, les précurseurs passent au statut de modèle.

Les motivations

Qu’est-ce qui pousse à la création d’un écovillage ?

Comme nous l’avons dit dans notre précédent article, c’est véritablement l’aspect humain qui est au coeur du sujet. C’est donc la volonté de :

  • Vivre ensemble : dans l’éducation, on nous apprend finalement peu à vivre ensemble. On nous apprend l’autorité, des connaissances sans les relier systématiquement les unes aux autres… Mais il existe beaucoup d’autres méthodes pour organiser les relations, gérer les conflits, faire coexister les envies. La Communication Non Violente (CNV) est une méthode qui est revenue fréquemment dans les différents témoignages du sommet.
  • Un autre modèle déducation : de nombreux projets partent du besoin d’une éducation davantage basée sur les besoins que ressent l’enfant en vivant au sein d’un groupe
  • Besoin de démocratie directe/appliquée : voir concrètement le résultat de ses choix. Participer directement à leur application.
  • Vivre de manière respectueuse de l’environnement au niveau de l’habitat et de la nourriture. Le constat que le mode de vie qui prédomine depuis l’après-guerre est basée sur la surexploitation de ressources, non renouvelables à l’échelle humaine, et donc voués à l’épuisement, conduit à la recherche d’autres modèles.
  • Recherche de l’autonomie, en prévision d’un possible effondrement et dans le but de minimiser les transports et donc les moyens et l’énergie qui y sont liés
  • Inventer autre chose. Aller contre la fatalité qui dirait qu’il n’existe qu’un seul mode de vie possible. Créer un écovillage, à partir d’une feuille blanche et contre toutes les tendances environnantes, c’est endosser le rôle de chercheur, inventeur, qui teste et évalue ses hypothèses en les appliquant.

Combien de temps faut-il pour qu’un eco-village atteigne un niveau de stabilité ?

Théo Bondolfi est co-fondateur des écovillages de La Smala en Suisse, et dans le monde. Il a l’expérience de l’installation/création de 40 éco-communautés en Europe, Afrique, Brésil. Selon lui, il faut entre 3 et 7 ans pour qu’un village trouve à la fois son organisation et la stabilité de ses habitants. C’est donc un long processus de personnes, qui s’installent, apprennent à se connaître. Peu à peu, ils s’accordent et décident de vivre ensemble selon une organisation établie ou à construire..

Financement et réappropriation des territoires

C’est l’un des points les plus créatifs du sommet des oasis.

Jean Michel Elzéard accompagne depuis une quinzaine d’années des écovillages dans leur montage juridique et financier.

Cette expérience l’a conduit à imaginer un montage très original, basé sur une société de capitaux, type SAS. Cette société reprend le fonctionnement d’une coopérative. Le principe est une voix = une personne, quel que soit le montant des capitaux investis.

L’objectif de cette association ”d’actionnaires” est de partager la gouvernance. Ce système permet d’éviter qu’une personne prenne le pouvoir et impose aux autres sa vision. La délégation de pouvoir est limitée à une personne. Cela permet prévenir tout dérapage qui ne correspondrait pas à l’esprit de l’écovillage.

Chaque habitant ou famille paie un “loyer” qui sert à financer un fond de réserve, les charges courantes, et le remboursement de ceux qui ont réalisé des apports initiaux.

Concrètement, cela signifie, par exemple, que les personnes qui ont apporté un montant plus important que les autres ont un loyer négatif. C’est-à-dire qu’on leur rembourse leur apport.

Ce principe permet d’équilibrer les charges de l’éco village, de pouvoir faire face aux coûts imprévus (travaux, entretien) et de rembourser les apports de chacun.

Un système de financement ingénieux

La base des remboursements, et du calcul des loyers sont basés sur 100 ans. C’est-à-dire qu’au bout de ces 100 années d’existences, la société, qui représente l’écovillage ne sera plus débitrice. Les loyers ne seront ainsi plus constitués que des charges et de l’entretien, alimenté par les fonds de réserve.

N’étant pas lié à la valeur de marché des biens, les loyers sont, en moyenne, à hauteur de 2€/mois par m2.

A tout moment, chaque personne peut récupérer son apport et partir. Dans ce cas, un nouvel arrivant est sélectionné par les autres membres. Il remboursera le restant dû à la personne qui quitte l’écovillage. Cette dernière aura récupéré ainsi sa mise de départ grâce l’argent reçu tous les mois, et par le montant qu’elle perçoit à son départ.

Le seul point faible qui a été soulevé pendant la conférence, c’est qu’en cas de forte augmentation des prix de l’immobilier, celui qui quitte l’écovillage aura du mal à acheter un logement. Une des solutions restera de chercher parmi d’autres écolieux qui utilisent ce même système de financement.

Autonomie et autarcie

Les détracteurs diront que tous les écolieux ont utilisé à un moment ou un autre des matériaux et de l’énergie de l’extérieur, et que l’autonomie n’existe pas. Exprimé ainsi, c’est un peu confondre autonomie et autarcie. 

Comme nous l’avons souligné plus haut, parmi les motivations des habitants des écolieux, il y a bien sûr la perspective de l’effondrement. 

Les habitants, fondateurs, et tous ceux qui ont l’expérience de 30 ans de vie en communauté, reconnaissent que l’autarcie n’est pas atteignable. Cela reviendrait à ne compter que sur les habitants pour la création de matériaux, des équipements et d’aliments.

Cependant, certaines denrées demandent trop de spécialisation ou de technicité. Or un village constitué de 20 ou 30 personnes ne peut couvrir tous les domaines de compétences.

Autonomie

L’autonomie est en revanche la volonté d’atteindre une forme d’abondance en utilisant les ressources locales sans les épuiser : nourriture, énergie, matériaux des habitats (terre, bois, pierres)… Et d’un autre côté, d’atteindre la sobriété sur ce qui ne peut pas être produit.

On peut ne pas être en accord avec la vie en communauté, mais attaquer les écovillages sur leur désir d’autonomie est un faux procès.

Par ailleurs, une part non négligeables des habitants, parfois le tiers, continuent à travailler à l’extérieur du village. Pour Théo Bondolfi, ce brassage donne une bouffée d’air frais à la vie du village. On distingue : 

  • Les personnes qui viennent séjourner, voire travailler dans le village (avoir leur bureau, par exemple), 
  • d’autres qui le quitte quotidiennement pour mener leur activité à l’extérieur, dans une entreprise, ou en tant qu’artisan.
  • et ceux qui mènent leur travaille pour les besoins du village uniquement (enseignement, maraîchage/agriculture, cuisines, entretien des locaux, vie sociale et culturelle…) 

Utopie concrète : comment le sommet des oasis confirme la viabilité des écovillages ?

Voici les 3 éléments qui permettent d’affirmer que, oui, le principe d’éco village fonctionne : La diversité, le nombre (500 établis, 1000 si l’on considère ceux en cours de création et les habitats participatifs) et la longévité. 

Remettre tout à plat et trouver de nouvelles solutions au mode de vie standard n’est plus une seule vue de l’esprit.

En effet, lorsqu’une expérience dure 30 ans, est viable du point de vue économique ,que les habitants restent, montrent et témoignent du bonheur à vivre ensemble, on peut conclure que l’on passe du statut d’expérience à modèle reproduisible.

Un modèle fait pour tout le monde ?

Ce modèle vise à la sobriété et au respect des ressources : faire la part de ce dont on a le plus besoin, pouvoir compter sur les autres, participer…

Certes le chemin n’est pas qu’idyllique. Il y a une période d’adaptation, un apprentissage pour vivre ainsi. Et surtout, il faut un désir profond. 

Ainsi, choisir de vivre dans un éco village ne peut être uniquement une solution à un problème économique personnel. La motivation profonde ne peut être qu’économique, même, si le principe de cooptation ne se base pas sur le patrimoine ou les revenus. 

La motivation doit rester la volonté de participer à un projet de vie.

Possible à grande échelle ?

Peut-on imaginer un pays uniquement fait d’écovillages ?

Jusqu’à preuve du contraire, cela reste peu crédible.

L’histoire nous a montré que les territoires peuplés de petits groupes, avec peu de liens les uns avec les autres sont affaiblis par rapport à des voisins qui ne partageraient le même système d’organisation.

Certes, les écovillages proposent des solutions pour les retraités, l’éducation des enfants qui coûtent extrêmement chers et qui nécessitent de lourds financements… Est-ce que l’économie locale des ces éco villages permettraient de financer le même niveau de service ? les infrastructures ?

Et enfin, comment contribuent-ils aux équilibres mondiaux fondés sur des rapports de force ?

A vous de vous faire votre opinion

Je vous laisse vous faire votre opinion. Mais pour moi, c’est une véritable découverte. Je ne pensais pas que les écovillages étaient aussi avancées.

C’est aussi une source d’inspiration. Oui, on peut encore inventer autre chose. Oui, l’enfer, ce n’est pas forcément les autres. Et oui encore, on peut vivre, en étant heureux, sans épuiser les ressources qui nous entourent.

Merci de montrer que ça marche, de témoigner. C’est sans doute la meilleure manière de promouvoir ce mode de vie, sans donner de leçons péremptoires.

Si vous souhaitez en savoir plus, voici une liste de sites d’écolieux, d’écovillages et autres qui ont été mentionnées pendant les conférences :

Pour aller plus loin

Nous allons dédier une rubrique du site aux écovillages. Nous continuerons à les suivre et à relayer ce que l’on peut apprendre, les bonnes pratiques. Aussi bien pour ceux qui souhaitent en savoir plus dans le but de créer un écolieu ou de venir s’installer dans un lieu existant, que pour ceux qui pourraient s’en inspirer, peut-être pour une autre activité.

Vous pouvez aussi accéder à l’ensemble des conférences ainsi qu’aux ateliers, pour tous renseignements cliquez ici

Photos : oasis des trois chênes, Unsplash

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3 réflexions au sujet de “Retour sur le sommet des oasis”

    • Bonjour Yseult,
      Cela dépend des lieux. Certains font du home Schooling, d’autres ont des écoles démocratiques, d’autres vont à l’école. Mais d’une manière générale, l’apprentissage que l’on peut avoir dans certains écoliers est plus riche et varié que dans le cursus traditionnel. Bonne journée !

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  1. J’avais une fois demandé sur un forum des retours d’expérience négatifs. Le facteur qui revient est le facteur humain (PFH !). L’herbe est toujours plus verte ailleurs et ne penses-tu pas qu’il y a des leçons à tirer des échecs ? Même l’oasis le plus emblématique (celui co-fondé par Sophie Rabhi) se déchire…

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