Absurde ou nécessaire : l’urgence de l’habitat écologique

Ce que nous avons connu avec le “bio” dans l’alimentaire, nous allons très certainement le transposer dans l’habitat. Nous pouvons nous attendre à une nouvelle vague, non de donneurs de leçons, mais de prise de conscience.

Le “bio” est né d’un constat multiple :

  1. diminution de la qualité des aliments
  2. présence de produits phytosanitaires dans l’alimentation, aux conséquences sanitaires incertaines…
  3. destruction des écosystèmes
  4. appauvrissement des sols
  5. pour les agriculteurs, difficultés à vivre de leurs productions
  6. dépendance auprès des fournisseurs de produits phytosanitaires et de semences
  7. captation de la valeur par la distribution et les intermédiaires

Pour alimenter la population, peut-on produire autrement, avec des techniques respectueuses l’environnement, c’est-à-dire respectueuses des cycles de régénération des écosystèmes ?

De nombreuses études et des expériences d’exploitants semblent le confirmer. (voir article étude INRA sur la ferme du Bec-Hellouin). Et une part de plus en plus importante de la population est attentive à la qualité de son alimentation.

Nous ne sommes ainsi peut-être pas condamné à un seul modèle de production agricole, garant de nourrir la population, par delà les aléas climatiques, la baisse de la qualité des sols, les attaques des nuisibles, la croissance démographique.

Peut-on faire le parallèle avec les habitats ?

Je pense que oui. Et en voici les enjeux.

Tout d’abord, un constat simple. Les dernières décennies ont été caractérisées par une normalisation des formes d’habitats, permises par une énergie bon marché, et la volonté d’accéder à un confort ”moderne” standard.

Nous avons bien souvent tourné le dos à un savoir parfois millénaire, au profit du pratique, du bon marché, de soucis esthétique fortement liée à la mode du moment. Ou, à cause de l’urgence lorsqu’il fallut reconstruire ou loger les plus démunis après guerre.

Alors que dans l’histoire, la forme des habitats a plutôt été dictée par les disponibilités des matériaux de construction, leurs propriétés par rapport à un climat et à un mode de vie.

Nous avons oublié de faire simple, adapté, avec ce qui était à notre disposition. Comme l’avaient fait les générations qui nous ont précédés.

Mais au fond, nous ne faisons que reproduire sans nous poser la question : est-ce que cela me convient ? et encore moins, quels conséquences ont mes choix ?

On pourra rétorquer que poser ces questions est un luxe que nos aïeux n’ont pas eu. Mais ce luxe est une nécessité quand les effets ne produisent plus les résultats attendue, et provoquent des dommages collatéraux.

Nous pourrions continuer comme si de rien n’était, car, somme toute, les habitats sont confortables… s’il n’y avait pas le spectre des crises climatiques, énergétiques, la tension sur les ressources naturelles, l’effondrement et la rupture des cycles des écosystèmes, dont nous sommes, pour ces derniers, intimement dépendants.

habitat écologique, habitat végétalisé
Maison toit végétalisé

De l’absurde.

Quel gâchis ! Absurde, quand on sait que l’on peut faire autrement, plus simple, plus adapté, avec les ressources qui sont directement accessibles. Absurde, la réaction aux chants des sirènes.

Les anecdotes sont nombreuses et tristes. Je repense à ce centre administratif en Polynésie, construit en béton et parpaings, complètement inadapté au climat et, qui pour pouvoir être utilisé nécessitait une quantité phénoménale d’énergie pour climatiser les volumes. Le jour où l’on alluma le bâtiment, la centrale de l’île fut incapable de fournir l’énergie nécessaire et toute l’île fut privée d’électricité. Il fallut tout revoir. On s’est même posé la question s’il ne fallait pas tout simplement augmenter la puissance de la centrale. Colmater les brèches, les failles, plutôt que de bâtir sur des fondations solides…

Ou la construction de maisons au Maroc, par exemple, encore en béton, et sans isolation, alors que l’architecture de maisons traditionnelles en terre ne nécessitait pas l’utilisation de climatisation.

Préférer l’image valorisante d’une construction qui symbolise le développement économique, plutôt que de se poser les questions du lieu, des usages, du climat…, 

Alors il faut apporter des rustines complètement absurdes.

Une rupture spatio temporelle…

Utilisons tout ce qui est à notre portée, directement accessible. 

Soyons le conducteur de voilier qui utilise l’énergie du vent pour aller dans la direction désirée. Utilisons les propriétés des matériaux et les énergies existantes, plutôt que de recréer à partir d’une source d’énergie d’un autre temps. Utilisons notre savoir et adoptons-le aux situations. Cessons de contraindre. Adaptons-nous pour durer.

Car, les hydrocarbures fossiles que nous exploitons aujourd’hui, sont constituées de la matière organique transformée (végétaux, animaux…), créées à partir de l’énergie solaire reçue il y a des millions d’années. C’est une rupture spatio temporelle que nous effectuons en diffusant le CO2 dans l’atmosphère d’aujourd’hui. Avec les conséquences que nous commençons à ressentir (effet de serres, changement climatique et des écosystèmes). 

Apprenons, améliorons plutôt notre manière d’utiliser l’énergie solaire de notre temps !

Simple : Les solutions existent mais pas la volonté. 

Une maison n’est pas un cube isotherme. Imaginons-la plutôt comme un système qui s’adapte et réagit à son environnement pour notre confort, qui utilise les propriétés de ses composants, du climat, de la géographie.

Quel que soit l’endroit où l’on se trouve sur terre, il y a un sol, le ciel, de la lumière, généralement, de la pluie, du soleil, des flux. 

Dès qu’il y a flux, un déplacement, d’air, de chaleur, d’eau… c’est qu’il y a de l’énergie. Vu comme cela, nous sommes submergés d’énergie. 

Le problème, c’est que nous ne savons pas comment l’utiliser, ou ne savons pas la stocker pour répondre à la temporalité de nos usages.

En fait, si, et de plus en plus. Encore quelques efforts. (voir les plans de l’Ademe pour le “tout renouvelable” à l’horizon 2050. Le rapport souligne : “En dépit d’hypothèses conservatrices concernant la structuration des filières EnR françaises, l’exercice montre l’effet positif d’un scénario de transition énergétique ambitieux sur la croissance, l’emploi, les émissions de CO2 et le revenu disponible des français.”)

Les solutions existent, il n’y a pas une semaine sans un progrès sur l’utilisation, la production, le stockage de l’hydrogène (même sous forme solide !), sur la rentabilité de panneaux solaires électriques.

Un effort dans la production et un effort dans l’utilisation. Soyons sobres et efficients dans nos usages. Donnons la vraie valeur à l’énergie.

N’oublions pas qu’avant les énergie fossiles, l’énergie utilisée était celles de nos muscles et des muscles des animaux. L’énergie fossile repose nos muscles mais asphyxie notre environnement. Cette solution ne fonctionne pas sur le long terme.

Envore absurde, si l’on considère que l’on peut utiliser ce qui est disponible directement

Pourquoi utiliser une énergie d’un autre temps, quand on a de l’énergie solaire, du vent. Pourquoi ne pas utiliser les qualités de matériaux simples (de la terre, du bois, des pierres) qui ne polluent ni l’environnement, ni les habitants ?

Les principes bioclimatiques permettent de créer des habitats sobres en énergie qui utilisent les cycles solaire et saisonniers. Et ce n’est qu’un type de solution.

Intégrer l’espace extérieur à l’intérieur d’un habitat. 

Toute production humaine nécessite de l’énergie, aujourd’hui encore très carbonée. Alors pourquoi construire des m2 couverts si l’on fait de larges ouvertures pour créer la sensation d’espaces, de volume, apportant lumières et vue sur un jardin, un paysage, le ciel. Utilisons ce qui n’est pas la construction. C’est la nature qui fait la décoration, toute seule. Sans énergie, sans chauffage, sans matériaux, sans béton.

Même de petite taille, une maison peut donner la sensation de vivre dans un grand espace. Si elle est conçue pour. 

Pensons encore au voilier. 15m2 d’espace de vie, impossible de marcher au delà du bâteau, et pourtant… 

Et n’oublions qu’une petite construction nécessite peu de matériaux, peu d’énergie et d’entretien. 

Utiliser l’existant, même celui dont on n’a pas toujours conscience.

J’ai eu la chance de vivre dans des maisons très différentes, du bâtiment de 700m2 et 24 pièces, au chalet de 30m2 pour 4 personnes (2 chambres, salon, salle manger, cuisine et salle de bains…).

Dans le “château”, nous vivions quasiment tout le temps la même pièce, la plus chauffée. Dans le chalet, nous vivions bien au chaud, mais surtout vivions dehors. 

De ces deux expériences, les pièces que je préférais, quelque soit la surface : celle qui était la plus lumineuse, avec la plus belle vue.

J’ai adoré habiter dans ces deux habitats. Mais habiter un château n’est pas vraiment duplicable et à la portée de tous (achat, entretien…)

Un habitat, c’est aussi son environnement direct. Et c’est la magie, par exemple, des tiny house ou des chalets, elles sont chaleureuses, jouent bien leur rôle de sanctuaire, et se prolongent via les ouvertures, et le contact direct avec la nature. A condition de soigner leur environnement (vue, bruit, pollutions en tout genre…)

Dans ce maître mot, qui est l’utilisation de l’existant et le regénérable, il y a bien sûr la rénovation, car le coût en ressource (par forcément en investissement financier) est moins élevé à transformer un habitat qu’à le créer de toute pièce. Là encore, les techniques se développent pour respecter les principes écologiques.

Le croisement entre la sobriété énergétique et les capacités à utiliser les énergies et les matériaux directement disponibles.

Est-il possible de construire une maison sobre énergétiquement à la construction, utilisant des matériaux non polluants, qui nécessitent peu de transports, de transformations, qui soit renouvelables ? Et surtout qui soient agréables à vivre et confortables ?

Oui. C’est précisément les caractéristiques de ce que l’on appelle ici les maisons écologiques.

Voici les trois axes pour les maisons écologiques :

  • petits espaces, grands volumes ressentis
  • rénovations raisonnées
  • utilisations de techniques et matériaux peu transformés, écologiques, adaptés (terres, bois, pierre…), et bioclimatiques

Il y en a un quatrième que je n’aborderai pas ici : l’aspect social, qui mérite un article à part entière.

Les échecs des grands ensembles (grands immeubles, HLM, lotissement des maisons individuelles) nous rappellent, que l’habitat n’est pas que technique, même fondée sur des motivations légitimes.

Mais même sur ce domaine (lien social, densification, maillage économique) l’habitat écologique a des arguments.

Pourquoi ne sont-elles pas plus développées ?

Parce qu’elles ne sont pas connues, parce que l’on redécouvre ces modes de constructions de l’habitat et que la maîtrise des techniques n’est pas encore bien distribuées et diffère d’une région à l’autre. Parce que les promoteurs ne sont pas de grosses entreprises cotées, mais de dangereux altermondialistes, alternatifs, autonomistes, et autres collapsos… Bref, pas le main stream…

Parce qu’il y a et aura des personnes qui rencontrent des déconvenues parce que mal informées, mal accompagnées.

Et parce que la maison, l’habitat en général est avant tout un marqueur social dont les principes sont : valeur transactionnelle, taille, emplacement…

Mais quelle que soit notre sensibilité à la crise climatique et écologique qui est en cours, quel que soit notre niveau de motivation, d’effort de transformation acceptable, il existe une maison, un habitat, un mode de rénovation “écologique” qui peut nous convenir. (voir panorama des maisons écologiques)

Nous ne sommes qu’au début de l’histoire. Du bio habitat ? Elle n’a pas encore vraiment de nom.

Elle commence par la prise de conscience.

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